| Intestin dans photocopieuse couleur en l’Antiquité Radiographie des organes Des poches qui flottent Les os, les poils, les organes suspendus dans une espèce de ciel. Un corps dispersé dans l’air, explosé, volatile ? Bien sûr la peinture va à l’os. Des nénuphars cramés comme des chamallows Kystes de quel corps – sucré, éthéré, fossile – Métastases en suspension dans un espace onirique Pelotes galets vaisseaux œdèmes fibres humeurs. C’est cette énigme de l’en-dedans invisible – l’intérieur du corps – qui semble projetée sur la toile.
D’abord Armelle peignait au doigt. Au sol. étaler des flaques. Au doigt et à l’ongle. ça crisse d’y penser. Puis elle est passée au pinceau, il n’y a pas si longtemps. Au trait. Comme pour nommer les choses qu’elle peint. Et il y a eu un tournant, qui a engagé sa recherche actuelle. Elle projette la peinture très liquide, qui coule et fait un fond transparent, vertical. Une lymphe. Sur laquelle viennent flotter des formes compactes, très délimitées. Qui semblent contrarier ce fond, en étant hors d’atteinte des lois de la gravité. Comme si quelque chose pouvait flotter sur de l’eau qui coule. Ou bien ce sont des trous dans mon œil. Ces petites taches qui se baladent, comme des parasites de la vision, des obturations, ces rayures du globe oculaire qui bougent avec le regard. Des absences donc ?
Cet espace créé par l’impossible rencontre entre le rideau transparent et les impacts opaques est énigmatique. Le fond ouvre à la place de fermer, il est trou à la place de support. Sur cette espèce de vide frontal se posent des formes immobiles, des masses. Des cailloux soyeux. Un sexe marmoréen. Un utérus en pierre. Parfois aussi une coupe, un vase. Qui ne font penser à aucune coupe, aucun vase, aucun sexe, aucun utérus autres que la peinture.
Dans ce chaos plein de corps, les décors qui se mettent en place sont ceux d’une odyssée antique : des vases, des dieux, une possible mer bleue, des idées flottant dans l’air, dans la lumière vive. Des mythes acidulés, images d’un ailleurs paradisiaque pour lequel Armelle est passée des couleurs obscures des fonds sous-marins aux couleurs artificielles du “Jardin des délices”. Puis encore plus suaves, doucereuses jusqu’à l’écœurement. De la viande, mais dans des couleurs édulcorées, loin de l’organique. Malaise coloré. Dans quelle chair ça coupe ? Claire Colin-Collin, mars 2010 | |